J’avais huit ans au moment de la construction de l’autoroute 720 – mieux connue sous le nom de Ville-Marie. L’imposant chantier, dont nous pouvions, en contreplongée, observer l’avancement de notre balcon de la rue St-Ferdinand, ne me laissera que de vagues souvenirs. Aujourd’hui, l’autoroute bétonne toujours l’horizon de mon quartier et joue un rôle indispensable dans le réseau routier montréalais. Près de 40 ans après son inauguration, à l’instar d’autres mégastructures du même type, elle montre les signes d’un vieillissement inquiétant. La voie rapide fait périodiquement les manchettes en raison des nombreux travaux de réfection dont elle fait l’objet et le projet de reconstruction de l’échangeur Turcot dans l’arrondissement Sud-Ouest fera, assurément, parler d’elle encore longtemps. C’est à l’automne 2010 (tout juste avant que des paralumes de béton ne s’écrasent sur la chaussée à l’entrée est du tunnel Ville-Marie, que le projet photographique AUT-720 : La muse immonde est né.
Lors de mes premières excursions sur les talus de la 720, ce sont les inscriptions manuscrites qui tapissent le dessous du tablier qui ont attiré mon attention : des lignes multicolores, continues ou pointillées, des mots, des croix et des flèches de toutes sortes. À observer l’état de la structure, on pouvait imaginer un code ésotérique levant le voile sur les multiples réfections passées ou l’annonce de celles encore à venir. Il y avait aussi les parois en lambeaux, les coulisses blanchâtres coagulées et, à maints endroits, ce squelette d’acier à vif qui témoignaient (qui témoignent toujours) d’une lente agonie. La vue de l’ensemble n’avait rien de rassurant, mais présentait à mes yeux un potentiel photogénique certain. Au fil de mes visites, la géométrie plane des surfaces effritées s’est naturellement imposée. J’y retrouvais la forme carrée qui m’est si familière et cela rendait le travail de recherche « picturale » encore plus satisfaisant. Très tôt, les images que j’en tirais n’illustraient plus que des masses abstraites, ordonnées sur un jeu de textures riches et nuancées. Je me suis ainsi laissé prendre, semaine après semaine, tronçon après tronçon, par le plaisir simple mais fascinant du cadrage et de la composition, au profit d’une série d’images personnelles qui, volontairement, cherche à sublimer l’extrême laideur de son sujet.
Les photographies présentées ci-contre sont extraites du portfolio AUT-720 : La muse immonde qui en compte une quarantaine.
Impression à jet d’encre sur papier Fine Art Hahnemühle
Formats disponibles incluant la bordure blanche :